S’il devait rester une mécanique aussi effrayante qu’élégante dans l’histoire de Magic, celle qui consiste à prématurément mettre en jeu une créature massive sans en payer le coup de mana ferait une excellente candidate. Contrevenant aux règles implicites du jeu, cette stratégie instaure une asymétrie sur le champ de bataille en obligeant l’adversaire à devoir gérer tôt une menace censée arriver tard, rompant ainsi l’équilibre des forces. Oath of Druids, un moteur capable de « tricher » une créature en jeu depuis la bibliothèque dès le deuxième tour pour un coup minimal, est un parfait exemple. À l’instar de Reanimator, Natural Order, Show&Tell, FEB, Tinker, Stiflenought, le deck construit autour de Oath cherchera donc à exploiter pleinement la capacité de cette carte, et le joueur devra alors builder en conséquence s’il souhaite en tirer profit. La superbe illustration de Daren Bader en vaut largement la peine.
Ayant joué ce deck en Vintage à la fin des années 2000, je le redécouvre depuis peu en Premodern où les options de build sont évidemment plus limitées, l’absence de Orchard s’y faisant cruellement ressentir. L’archétype semble cependant revenir sur le devant de la scène depuis son hybridation avec Ponza, présentant Terravore comme guest-star et cible principale du Oath. Cette version n’étant pas ma favorite (difficile de me passer du bleu dans ce pack), je continue d’adapter le deck et partage ici quelques réflexions sur sa construction, sa stratégie et son avenir dans le format.
Autant l’écrire tout de suite : Oath est avant tout un deck contrôle en Premodern, son aspect combo étant minimisé par l’absence de véritables « game-ender » dans le format. Avec la présence de Gaea’s Blessing, Enlightened Tutor, Impulse, Cunning Wish, Morphling, Shard Phoenix, Cataclysm, les outils sont en revanche bien présents pour en faire un archétype solide et capable de s’adapter au méta sans avoir à transformer totalement son gameplan. En perdant son côté « oups victoire » le deck va gagner en flexibilité, pouvant exercer une pression sur l’adversaire sans nécessairement chercher à sortir une bête le plus vite possible. Naturellement favorisé contre les aggro purs et stratégies tribales, il faut cependant que le deck puisse tenir tête à Parallax Replenish, garder le tempo face à Stiflenought/Ponza et résister à Sligh. Pas une mince affaire..
Mon build « premier jet » fut donc un U/G, avec splash blanc pour jouer Enlightened Tutor et avoir accès à une toolbox flexible, notamment post-side. Des contres, de la pioche, des soluces au pied levé et un Oath-shell incluant Phantom Nishoba comme cible. La bestiole est suffisamment massive, difficile à gérer, piétine et gagne des PV, trois exemplaires ne seront pas de trop contre Gob et Sligh. Reste donc à construire une manabase fiable et un sideboard approprié.

Après quelques dizaines de parties contre les principaux decks du format, constat inévitable : le build est inconsistant. Gagnant facilement contre la plupart des Fish, il se fait doubler par les stratégies plus Contrôle que lui et s’empale joyeusement sur les sorties de Dreadnought & co. Je réalise vite que jouer les salves rouges était parfaitement utopique, tout comme Bind qui n’est quasiment jamais utile (garder un peu de fantaisie est toutefois essentiel en Premodern :p). Je vais alors tailler dans le lard : exit Mox, City et Scroll Rack, Breath passe en side, je descends à 3 tutor, 2 lat nam’s, coupe quelques basics et ramène un playset de Force Spike et de Factory. Les Fetch arrivent en renfort pour mieux toper sur Library, et je ne peux pas m’empêcher de ramener deux cartes fun (la fantaisie je vous dis!).

Ces changements amènent plus de fluidité dans le gameplay et cela se ressent dès les premières parties. Le fait de passer à 7 man-lands augmente les menaces qui faisaient jusqu’alors défaut en instaurant une clock nette. Force Spike est un choix contestable mais la carte a si souvent fait trébucher mon adversaire à la première game qu’elle conservera sa place dans le build. Deux Lat Nam’s Legacy sont largement suffisants pour creuser en filtrant la main et Library prend de l’importance comme moteur de pioche au détriment des Portent. Mystic Remora restera dans l’histoire de ce deck comme une blague fantasque. Côté mana, Gemstone et Paradise sont devenus des sources instables et je m’en sépare facilement.
Notons que Teferi’s Response en side s’avère redoutable contre les stratégies denial, que Crater Hellion est une bombe contre tout ce qui se multiplie un peu trop vite en face tandis que Dragon Breath et Funeral Pyre se révèlent trop hasardeux pour rester dans le pack. Akroma devient un poids mort car Nishoba reste meilleur dans 95% des cas. De fil en aiguille, la nécessité de devenir « plus contrôle que Contrôle » semble s’imposer comme condition au succès, ce qui amène de nouvelles modifications.

Bye la fantaisie, maintenant on essaye de gagner 😀 Standstill apporte au paquet un élément de contrôle particulièrement savoureux du fait de sa synergie avec Oath, une seconde Library est très appréciable et Seal of Removal offre un bouncer versatile. Tutor passe à 2 exemplaires du fait de ces additions et je descends à 3 Impulse et 3 Denial au profit d’une paire de Misdirection : l’idée est d’avoir le dernier mot sur toutes les batailles de contres tout en s’offrant le luxe de pouvoir renvoyer à l’ennemi ses blasts, casse-terrains et autres menaces volantes. Premiers tests contre Contrôle : le ratio menace/réponse s’améliore, les draws sont plus lisses et la sensation de jeu plus fluide.
Côté sideboard, ça évolue grandement avec la suppression des Swords (oups), l’ajout des Annul (très bon) et des Powder Keg (très très bon) pour gérer une plus large variété de menaces sur le board (elfes, tokens, manlands, dreadnought..). Stabilizer trouve également sa place contre Riftstill et Fluctuator qui peuvent se révéler de vraies plaies contre mon build. Myrtille sur le gateau : deux Gilded Drake en période d’essai contre les grands épouvantails du format.
(photo)
Cette version grandement améliorée prend en compte une manabase devenue, du fait des évolutions de la liste, hasardeuse : impossibilité de caster Impulse sereinement et de faire un Oath tour 2, et une probabilité de color death trop élevée. Je redescend à 3 manlands, remonte à 2 City, ajoute un 5ème fetch et trois Portent pour mieux fixer le tour 1.
Arcane Denial et Spike trouvent finalement la porte de sortie en échange de Counterspell, Stifle, Memory Lapse et Chain of Vapor, j’en profite pour tester maindeck les Powder Keg qui donneront satisfaction, et je coupe les misdi et une lat-nam’s pour fluidifier le paquet. Ces additions rendent possible l’ajout d’un plan Predict comme petit moteur de pioche, plus fiable que les Standstill dans un meta lourd en manlands, ce qui indiquera également à ces derniers la direction vers le classeur.
Des heures de vol sont nécessaires pour confirmer la pertinence de ces choix mais jusqu’ici le paquet semble évoluer dans le bon sens. Quelques remarques générales sur les spécificités de son mécanisme :
- Gaea’s Blessing remélangeant le cimetière dans la bibli de façon récurrente lorsque Oath est actif, il reste encore une grande liberté de build et d’astuces à développer. La non-dépendance du Oath avec le graveyard est cependant un avantage certain vis-à-vis de Reanimator ou TerraPonza.
- La gestion des ressources est capitale dans ce deck car tricolor empêche souvent de jouer des sorts à deux manas colorés de façon fiable.
- Ne pas jouer Swords me semblait sacrilège lorsqu’on splash en blanc, mais jusqu’à présent les bêtes problématiques qui passent le mur de contres se géraient autrement (bounce, disruption, Hellion / CoP / Keg post-side..). Il a néanmoins fallu me rendre à l’évidence et 2 exemplaires ont finalement trouvé leur juste place contre les plus grosses menaces.
- Funeral Pyre fait ses preuves comme remplaçant du Orchard mais je reste perplexe quand à son utilité réelle dans un shell contrôle, idem pour Dragon Breath (« golden gun »). Ces atouts sont trop situationnels pour justifier un auto-include.
- Choisir une créature est le nerf de la guerre : Nishoba à l’avantage d’être à la fois une menace et un sustain, ce qui permet d’éviter de mourir à court terme et de gagner en creusant l’écart. Morphling est un bon candidat mais nécéssite de mobiliser ses ressources pour pouvoir fonctionner. Inclure maindeck des créatures offensives différentes me semble trop hasardeux et empêche alors de calculer ses tours à l’avance.
- Le plan Spike Feeder/Spike Weaver, bien qu’effroyablement lent, est surprenamment efficace, tout comme le pack Shard Phoenix / Ancestor’s Chosen par ailleurs. Tout cela est de l’histoire bien connue et je n’invente rien, mais il m’a fallu passer des dizaines d’heures de jeu avec des stratégies alternatives pour prendre pleinement la mesure de ces petites bestioles.
- .. à remplir au fur et à mesure de mes tests :p
Cet archétype occupe une place particulière dans mon coeur de joueur de part les circonstances de sa découverte (la magie du Premodern, nous avons tous de belles histoires et anecdotes à raconter avec ces cartes) et j’espère pouvoir continuer encore longtemps à l’apprivoiser et à le défendre. Avec l’intérêt grandissant que suscite ce format, qui sait quelles nouvelles stratégies gravitant autour du Oath verront le jour dans les tournois à venir ?!
Caméléo
Laisser un commentaire